Usage domestique d’eaux impropres à la consommation humaine

Article
Réutilisation des eaux usées traitées

Pour répondre aux enjeux de sobriété des usages, de disponibilité et de qualité de la ressource en eau dans un contexte de changement climatique, la France s’est dotée en mars 2023 d’un plan pour une gestion résiliente et concertée de l’eau. La valorisation des eaux non conventionnelles est un des leviers inscrits dans le plan pour optimiser la disponibilité de la ressource.

La mesure 15 prévoit ainsi de lever les freins règlementaires à la valorisation de ces eaux notamment pour les usages domestiques, dans le respect de la protection de la santé des populations et des écosystèmes.

Eaux impropres à la consommation humaine

Par « eaux impropres à la consommation humaine » (EICH) on entend les eaux qui ne répondent pas à la définition des eaux destinées à la consommation humaine (eau potable).

Les eaux impropres à la consommation humaine encadrées par le code de la santé publique sont :

Les eaux de pluie issues des précipitations atmosphériques, collectées à l’aval de surfaces, inaccessibles aux personnes en dehors des opérations d’entretien ou de maintenance ;

  • Les eaux douces autorisées au titre des articles L. 214-1 à L. 214-6 du code de l’environnement ;
  • Les eaux des puits et des forages à usage domestique mentionnées à l’article L.2224-9 du code général des collectivités territoriales ;
  • Les eaux grises correspondant aux eaux évacuées à l’issue de l’utilisation des douches, des baignoires, des lavabos, des lave-mains et des lave-linges ;
  • Les eaux issues des piscines à usage collectif définies à l’article D.1332-1 du code de la santé publique, provenant exclusivement des opérations de vidanges complètes des bassins, des vidanges partielles liées à l’obligation de renouvellement d’eau journalier, des pédiluves et rampes d’aspersions pour pieds, ainsi que du lavage des filtres [dans les conditions prévues par l’arrêté du 7 avril 1981 modifié susvisé] ;
  • Des mélanges d’eaux impropres à la consommation humaine entre les eaux précitées afin d’être utilisés pour des usages, dès lors que les eaux composant le mélange sont autorisées individuellement pour ces usages. En cas de mélange, l’usage le plus contraignant détermine les critères de qualité et les conditions techniques à respecter en permanence.
    Les usages domestiques font référence aux usages définis à l’article R. 1321-1-1 du code de la santé publique.

Usages domestiques

Les usages domestiques font référence aux usages définis à l’article R. 1321-1-1 du code de la santé publique.

Les usages domestiques de l’eau concernés sont :

Le lavage des sols intérieurs, le lavage du linge, l’alimentation de fontaines décoratives, l’évacuation des excrétas, le nettoyage des surfaces extérieures, dont le lavage des véhicules lorsqu’il est réalisé exclusivement au domicile, l’arrosage des jardins potagers, l’arrosage des espaces verts à l’échelle des bâtiments, dont les toitures et murs végétalisés et le remplissage des bassins d’ornement.

Ces usages sont issus des usages domestiques de l’eau définis à l’article R. 1321-1-1 du code de la santé publique.

Propriétaires de système d’utilisation d’eaux impropres à la consommation humaine

Ou « propriétaire des réseaux intérieurs de distribution d’eau’’ : tout responsable juridique du fonctionnement des réseaux de distribution d’eau se situant dans l’enceinte de l’établissement ou du bâtiment à l’aval du point de livraison d’eau destinée à la consommation humaine, ainsi que de leurs impacts sur la santé et la sécurité des usagers.

Système d’utilisation des eaux impropres à la consommation humaine

Il s’agit de l’ensemble des installations de collecte, de transport, de stockage, de traitement et de distribution des eaux impropres à la consommation humaine destiné à des usages domestiques permis au titre de la nouvelle réglementation.

De nouvelles dispositions réglementaires encadrent l’utilisation d’eaux impropres à la consommation humaine pour des usages domestiques.

Ce nouveau cadre réglementaire s’inscrit dans une volonté de simplification administrative nécessaire à l’adhésion des publics qu’il vise tout en veillant à prévenir les risques sanitaires associés à l’utilisation des eaux impropres à la consommation humaine pour des usages domestiques. Il repose sur :

  • Le Décret n° 2024-796 du 12 juillet 2024 relatif à des utilisations d’eaux impropres à la consommation humaine -(legifrance.gouv.fr) modifiant le code de la santé publique section 3 livre III
  • L’arrêté du 12 juillet 2024 relatif aux conditions sanitaires d’utilisation d’eaux impropres à la consommation humaine pour des usages domestiques pris en application de l’article R. 1322-94 du code de la santé publique - (legifrance.gouv.fr)

L’installation de systèmes d’utilisation des eaux impropres à la consommation humaine est d’application volontaire et ne revêt pas un caractère obligatoire. Le propriétaire des réseaux intérieurs de distribution d’eau est responsable de la conduite des procédures et opérations concernant le système d’utilisation des EICH qu’il installe.

Les usages domestiques interdits en raison des risques sanitaires

L’utilisation des eaux impropres à la consommation humaine pour l’alimentation et l’hygiène corporelle demeure interdite compte tenu des risques sanitaires associés à ces usages. En effet, ceux-ci impliquent des voies d’expositions de type ingestion, inhalation et contact cutanéo-muqueux, incompatibles avec la qualité des eaux impropres à la consommation humaine.

La déclaration auprès du préfet des systèmes d’utilisation des eaux impropres à la consommation humaine, cas général

L’arrêté du 12 juillet 2024 prévoit que certains systèmes d’utilisation d’eaux impropres à la consommation humaine pour des usages domestiques soient déclarés par leur propriétaire auprès du préfet de leur département. Cette procédure de déclaration relève de la responsabilité du propriétaire du système. Les systèmes concernés sont les suivants :

  • Les systèmes alimentés par une ou des eaux brutes issues du milieu naturel utilisés pour le lavage du linge
  • Les systèmes alimentés par des eaux grises ou des eaux issues des piscines à usage collectif, quel que soit les usages domestiques réalisés.

Afin de réaliser cette déclaration, un [formulaire est disponible sur le site démarches-simplifiées.fr. 

La déclaration et l’autorisation préfectorale des systèmes d’utilisation des eaux impropres à la consommation humaine, cas des établissements recevant du public sensible

Les établissements recevant du public sensible sont définis à l’article R. 1322-90 du code de la santé publique.

Certains établissements recevant du public ont vocation à accueillir du public sensible. Il s’agit de personnes vulnérables, que peuvent être des personnes malades ou en convalescence, des personnes dont l’immunité est fragilisée, ou encore des personnes âgées ou des enfants en bas âge (avant l’âge d’entrée à l’école maternelle). Les établissements scolaires ne sont pas concernés. Les systèmes des établissements recevant du public sensible sont soumis à une procédure administrative spécifique.

Aussi, dans l’enceinte des établissements recevant du public sensible, les systèmes d’utilisation des eaux impropres à la consommation humaine suivants requièrent une déclaration auprès du préfet :

  • Les systèmes alimentés par des eaux brutes issues du milieu naturel utilisées pour le lavage du linge et également celles utilisées pour l’alimentation de fontaines décoratives.

Pour les usages domestiques réalisés à partir de système alimenté par des eaux grises ou des eaux issues des piscines à usage collectif, une autorisation du préfet est requise.

Lorsqu’une autorisation du préfet est requise, les dossiers de demande d’autorisation sont adressés par les pétitionnaires à la délégation départementale de l’ARS qui instruit les dossiers de demande pour le compte du préfet :

Les systèmes d’utilisation des eaux impropres à la consommation humaine nécessitant la tenue d’expérimentations : 

En complément, des expérimentations prévues par le décret n° 2024-796 du 12 juillet 2024 permettront d’accroître encore les possibilités pour les types d’eau et d’usages non couverts par la réglementation et pour lesquels les risques sanitaires sont peu ou pas connus. Pour cela, un cadre expérimental doit être élaboré afin d’encadrer ces expérimentations, les porteurs de projet s’inscrivant dans le cadre de l’expérimentation peuvent adresser leur manifestation d’intérêt argumenté au bureau de la qualité des eaux de la direction générale de la santé : dgs-ea4@sante.gouv.fr

Tableau de synthèse des couples eaux impropres à la consommation humaine/usages domestiques et procédure administrative requise :


 

Les pratiques de substitution de l’eau potable (eaux destinées à la consommation humaine) par des eaux non potables peuvent induire des risques sanitaires en regard de la présence de polluants de type microbiologiques et physicochimiques de ces eaux, notamment les risques suivants :

Risque d’exposition des personnes à des organismes pathogènes et des substances chimiques, dont risque d’exposition de personnes sensibles ou vulnérables

  • Risque de contamination des réseaux d’eau potable par interconnexion accidentelle des réseaux
  • Risque de développement de larves de moustiques vecteurs de maladies.

Ces risques peuvent survenir en cas de mauvaise conception ou en cas de mauvais entretien des systèmes d’utilisation des eaux impropres à la consommation humaine. Par exemple, si les usagers de ces systèmes ne sont pas informés de la présence de robinets d’eau non potable ils peuvent en faire des usages non prévus, comme pour l’alimentation ou l’hygiène corporelle, ce qui peut entrainer des maladies hydriques de type gastro-entérites. Si les réseaux ne sont pas correctement entretenus, la qualité des eaux impropres à la consommation humaine peut également se dégrader, par le développement microbien ou l’accumulation de polluants chimiques, et exposer les personnes utilisant ces eaux impropres à la consommation humaine pour les usages domestiques permis.

En cas de mauvaise conception, d’absence ou d’erreur d’identification du réseau, des interconnexions non autorisées (branchement ou « piquage » sur les tuyaux ) peuvent entrainer des phénomènes de retour d’eau vers le réseau d’eau potable (par dépression lors de travaux sur le réseau public par exemple) avec pour effet une contamination du réseau public de distribution d’eau potable exposant ainsi la population alimentée à de l’eau contaminée avec des risques et présenter les mêmes symptômes de type gastro-entérites.

Les retours d’expériences de "double réseaux" ont montré, tant en France qu’à l’étranger, que la séparation totale de réseaux ne peut être assurée à long terme et/ou à grande échelle dès lors qu’un double réseau existe dans l’habitat. Le développement à grande échelle de la récupération des eaux impropres à la consommation humaine dans l’habitat induit donc un risque de contamination de l’eau potable à l’échelle de l’habitat et à l’échelle d’une unité de distribution. L’information des usagers et la transmission de la connaissance de l’existence d’un réseau d’eau non potable sont donc primordiales pour éviter les mésusages de ces eaux et de ces réseaux.

Le stockage de l’eau de récupération en cuve ou réservoir au sein des bâtiments peut engendrer des risques de développement parasitaire (notamment maladies transmises par les moustiques : dengue, chikungunya…), de transmission en cas d’épizootie aviaire et de noyade pour les jeunes enfants (selon conception de la cuve).

Exigences de conception technique

Les systèmes d’utilisation d’eaux impropres à la consommation humaine doivent être conçus et demeurer en permanence, complètement séparés et distincts des réseaux d’adduction et de distribution d’eau destinée à la consommation humaine.

Ces systèmes sont notamment réalisés avec :

  • un repérage des canalisations véhiculant des eaux impropres à la consommation humaine de façon explicite et distincte ;
  • une absence de voisinage entre les points de soutirage d’eaux impropres à la consommation humaine et les robinets d’eau destinée à la consommation humaine ;
  • une signalétique « eau non potable » au niveau des points de soutirage ;
  • la présence d’un dispositif de verrouillage au niveau des points de soutirage d’eaux impropres à la consommation humaine ;
  • pour les bâtiments et établissements recevant du public, des points de soutirage situés dans un local fermé non accessible au public ;
  • pour les établissements recevant du public sensible mentionnés au R. 1322-90 du code de la santé publique, une information de la présence du système d’utilisation d’eaux impropres à la consommation humaine est faite à l’équipe opérationnelle d’hygiène mentionnée à l’article R. 6111-1 du même code.

A noter que certains systèmes, lorsqu’ils sont installés dans les parties privatives des habitations collectives et destinés uniquement à un usage unifamilial, ne sont pas soumis à la totalité de des obligations prévues.

Les systèmes d’utilisation d’eaux impropres à la consommation humaine doivent être équipés de procédés de traitement adaptés aux caractéristiques des eaux impropres à traiter et aux usages envisagés. Certains types d’EICH et certains usages domestiques nécessitent de respecter une qualité d’eau qui est définie réglementairement et doivent donc s’assurer que l’EICH distribuée est conforme à la qualité requise en fonction des usages.

Exigences de surveillance

1. Avant la 1ère mise en service

Avant la 1ère mise en service, le propriétaire est tenu de réaliser une vérification visuelle de son système afin de s’assurer de l’absence de dysfonctionnement, de fuites ou autre. Lorsque son système est soumis à des critères de qualité, il fait réaliser une analyse de conformité de la qualité d’eau avant mise en service puis une analyse mensuelle pendant les 2 premiers mois d’usage. Si l’installation a été faite par un professionnel, celui-ci lui remet une fiche d’attestation de conformité.

2. Pendant toute la durée de vie de son système

Le propriétaire est responsable de la qualité d’eau distribué par son système, aussi, une autosurveillance du bon état des installations et des paramètres technologiques de son système est obligatoire pendant toute la durée de vie du système.

Un examen visuel des installations est effectué afin identifier d’éventuelles fuites ou tout autre indicateur de dysfonctionnement, et de s’assurer de son bon fonctionnement.

 Cet examen visuel doit être effectué une fois par an pour les systèmes alimentés par des eaux brutes issues du milieu naturel (y compris par des eaux de pluie), et une fois par mois pour les systèmes alimentés par des eaux grises et des eaux issues des piscines à usage collectif ;
 Lorsque que cela est requis, le propriétaire fait réaliser des analyses des EICH distribuées par son système selon les paramètres et fréquences définies par l’arrêté du 12 juillet 2024.

Exigences d’entretien et de maintenance

Afin d’éviter les risques de contamination à des pathogènes, les systèmes doivent être entretenus régulièrement afin d’assurer leur intégrité et assurer l’efficacité des éventuels traitements mis en œuvre.

La maintenance des systèmes comprend a minima le contrôle de la conformité des réseaux d’eau, le remplacement des consommables (filtre), l’entretien de la filière de traitement, la manœuvre des vannes et des points de soutirage des EICH ainsi que la vidange et le nettoyage des équipements de stockage.

Ces opérations doivent être réalisées a minima une fois par an pour les systèmes utilisant des eaux grises et des eaux issues des piscines à usage collectif.

Pour les systèmes utilisant des eaux grises et des eaux issues des piscines à usage collectif, les opérations de maintenance sont réalisées par une personne qualifiée professionnellement (personne qualifiée professionnellement, telle que mentionnée à l’article L. 121-1 du code de l’artisanat) dans le domaine de l’ingénierie des réseaux d’eaux et des installations sanitaires. Cette obligation de passer par un professionnel ne s’applique pas pour les systèmes installés dans les parties privatives des habitations collectives et destinées uniquement à un usage unifamilial).

Dans le cadre des missions d’inspection et de contrôle prévues à l’article L. 1431-2, effectuées dans les conditions de l’article L. 1421-2, le directeur général de l’agence régionale de santé peut procéder au contrôle de la mise en œuvre des dispositions de la nouvelle réglementation pour les systèmes soumis aux procédures de déclaration ou d’autorisation mentionnées, selon le cas, aux articles R. 1322-100 et R. 1322-101. 

En cas de contamination du réseau public de distribution d’eau potable, les sanctions administratives et pénales prévues par le code de la santé publique peuvent être appliquées. Ainsi, l’article L.1324-4 du code de la santé publique indique que " le fait de dégrader des ouvrages publics destinés à recevoir ou à conduire des eaux d’alimentation ou de laisser introduire des matières susceptibles de nuire à la salubrité, dans l’eau de source, des fontaines, des puits, des citernes, conduites, aqueducs, réservoirs d’eau servant à l’alimentation publique, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende."

En cas de risque imminent pour la santé publique ou de menace sanitaire grave mentionnée à l’article L. 3131-1, le propriétaire des réseaux intérieurs de distribution d’eaux met ou fait mettre immédiatement à l’arrêt le système d’utilisation d’eaux impropres à la consommation humaine et met ou fait mettre en œuvre les mesures nécessaires afin de s’assurer de l’innocuité de son système vis-à-vis des usagers du bâtiment.

Ces mesures sont notamment proportionnées et adaptées aux risques sanitaires du système pour les usagers. Elles font l’objet d’une communication régulière par tout moyen auprès des habitants, résidents, travailleurs ou du public du bâtiment et des usagers.

Le propriétaire desdits réseaux informe, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information, le directeur général de l’agence régionale de santé de toute situation de risque imminent pour la santé publique ou de menace sanitaire grave.

En cas de carence du propriétaire, le préfet, sur son initiative ou à la demande du directeur général de l’agence régionale de santé, peut, sans formalité préalable, suspendre ou interdire l’utilisation du système d’utilisation d’eaux impropres à la consommation humaine et imposer la mise en œuvre de mesures correctives et de vérification avant la remise en usage du système.